La domotique, la maison intelligente, ou encore les objects connectés, on a beau changer les termes, rien n’y fait. Ca ne décolle pas, ça n’intéresse toujours pas le grand public. Et si les assistants vocaux Alexa, OK Google et Siri étaient les déclencheurs tant attendus ?
Les raisons de l’échec de la domotique jusqu’ici
Je collecte inlassablement les publications régulières qui nous promettent la maison intelligente pour demain, voire après-demain. Je me rappelle plus particulièrement de celle-ci : dans 5 ans, une maison sans domotique sera « ringarde ». Elle est datée d’avril 2012… Pourquoi cette énième prévision ne s’est pas réalisée ?
Les tarifs prohibitifs ont d’abord cristallisé tous les reproches : c’est réservé aux riches ! Ce qui n’était pas totalement faux jusqu’à il y a peu de temps : les produits devaient obligatoirement être installés par des professionnels dûment formés. Même les solutions DIY alternatives n’étaient pas à la portée de tous, sans même parler de simplicité ou de fiabilité.
Puis les produits sont devenus plus simples et plus accessibles, grâce au développement des objets connectés, catégorie phare de la high tech de cette décennie. Problème réglé ? Non, la cause de l’échec a juste changé de cible. Cette fois-ci, c’est le trop grand nombre de protocoles de communication domotique incompatibles entre eux qui empêche l’adoption par le grand public.
Les consommateurs sont toujours autant perdus dès lors qu’ils veulent automatiser leur maison : quels produits acheter, seront-ils compatible ensemble, ne seront-ils pas trop compliqués à installer, pourrais-je tous les piloter facilement…
Pourtant, des solutions existent portées par de nombreux fabricants plus ou moins connus. Mais elles restent souvent complexes dans leur configuration et leurs usages au quotidien. Il reste donc très difficile de les présenter commercialement de façon efficace pour attirer de nouveaux clients. Et c’est le serpent qui se mord la queue.
Quel est l’objectif de la domotique ?
Et si on revenait à l’objectif de départ ? La maison connectée a pour but de rendre notre environnement domestique plus sécurisé, plus économe, plus confortable.
Les utilisateurs qui ont sauté le pas se concentrent alors sur des fonctions simples. Ils ne cherchent pas à créer un système global où tous les appareils opéreraient en synergie : une caméra pour l’extérieur, deux prises commandées pour le salon, un thermostat pour la chaudière, etc. Tant pis s’ils ne se parlent entre eux !
Et si le thermostat passe en mode absence, toutes les prises commandées pourraient s’éteindre et la caméra passer en mode surveillance, non ? Excellente idée, c’est ça que je veux chez moi !
Il faut avouer que c’est déjà possible aujourd’hui. Mais au prix d’une configuration plus ou moins complexe à travers des apps absolument pas pensées pour Monsieur ou Madame Tout-le-monde. Et encore, faut-il que tous les éléments achetés soient bien supportés par les apps en question.
L’effort est trop important pour arriver à faire communiquer tout le monde ensemble. Ou alors il faut se tourner vers des solutions dites “DIY” bien plus inaccessibles en termes de compréhension que de tarif. Retour à la case départ.
La problématique de la maison intelligente réside donc dans cette colonne vertébrale manquante. Cette intelligence capable de traduire nos besoins et nos envies pour des usages simples du quotidien. Cette interface naturelle où les questions de fabricant, de protocoles et de paramètrage ne se posent pas.
La domotique par la voix
Amazon a présenté il y a quelques jours tout un tas de nouveaux produits équipés de son intelligence vocale Alexa (Amazon dévoile le Echo Plus, le Echo Spot et le Echo Button). Parmi ceux-ci, on trouve l’Echo Plus. Cette évolution de l’Echo classique reprend le même design mais lui ajoute un hub domotique.
Oui, Amazon se lance officiellement dans la domotique ! Il est déjà possible de piloter des objets connectés à la voix à travers Amazon Echo. Mais avec ce modèle, on ne peut piloter que des objets connectés, à travers Internet en “cloud to cloud”. Même si l’Echo et l’appareil à commander se trouvent cote à cote.
Avec Echo Plus, on peut connecter directement en local des équipements domotique. Amazon a choisi le protocole ZigBee pour cela, mais ce n’est pas très important pour l’utilisateur final. Il faudra simplement qu’il cherche des produits domotique avec la petite étiquette “Echo Plus compatible”.
La première liste d’équipements concernés fait apparaître essentiellement des produits issus du marché américain :
- lampes et éclairage – Philips Hue, Sengled, Sylvania, Cree, Halo, Osram
- prises commandées – Securifi Peanut, Samsung SmartThings, GE, Sylvania, Lowe’s Iris
- interrupteurs – GE
- serrure – Yale
Ces produits vont rapidement se multiplier à n’en point douter. Les fabricants d’accessoires domotique qui n’ont jamais réussi à percer vont se précipiter sur cette aubaine pour enfin multiplier leurs ventes !
Philips Hue compatible Echo Plus
Philips est l’un des tous premiers à rendre ses produits directement compatibles avec Echo Plus. La marque rencontre un véritable succès dans le domaine des objets connectés avec une gamme de lampes et de luminaires qui grossis régulièrement.
Les lampes Philips Hue sont pilotées à travers un hub obligatoire. On peut donc se passer pour la première fois du hub et connecter directement les lampes à Echo Plus.
Philips précise toutefois qu’on accède à plus de fonctionnalités avec le hub Philips Hue qu’avec Echo Plus (Philips speaks out: Hue Bridge will unlock features you won’t get from the Echo Plus). Philips pactise avec l’ogre Amazon, tout en essayant de justifier l’existence de son hub qui va bien finir par faire doublon.
Il est certain que la quasi totalité des utilisateurs sauront très bien se passer des quelques fonctions manquantes du hub Philips pour la simplicité d’une connexion directe à Echo Plus.
Le fait que Philips Hue soit l’une des premières solutions misent en avant dans la solution domotique Amazon est révélateur de la révolution qui s’annonce pour les fabricants d’objets connectés.
Les routines signent la fin des scénarios complexes à programmer
Le contrôle par la voix, c’est moderne, c’est tendance, mais qu’est-ce que ça va changer à la domotique ?
Faire disparaître la complexité de la domotique, c’est arriver à faire fonctionner des équipements connectés ensemble pour améliorer les usages du quotidien. Avec les produits actuels, cela passe par la création de scénarios depuis une interface web ou une application. Plus ou moins complexe, souvent sans raison, cela n’est malheureusement pas à la portée de tous.
Prenons cet exemple : le soir, lorsque je vais me coucher, je veux que les lumières s’éteignent, que la prise commandée de la TV aussi, et que la serrure se verrouille.
Avec Amazon Echo Plus, les scénarios n’existent plus. Ils sont remplacés par les routines. Si j’ai des lampes, un thermostat et une serrure tous compatibles Echo Plus, je n’ai qu’une seule chose à faire, ou plutôt à dire : “Alexa, bonne nuit !”. J’ai juste à les associer dans un groupe commun.
Automatiquement, les lumières et la télévision vont s’éteindre et la serrure se verrouiller. Sans aucune autre action nécessaire ni aucune programmation complexe préalable de type “si… alors…”.
C’est là que réside la force de l’assistant vocal associé à la maison connectée : de plus en plus évolué dans sa compréhension du langage, une demande très simple peut cacher des actions multiples dont on n’a plus besoin de se rappeler.
Par ailleurs, la simplicité voulue par Amazon ne s’arrête pas à la compatibilité directe d’accessoires et aux routines. La phase d’apprentissage ou d’installation est largement simplifiée avec Echo Plus et s’effectue uniquement à la voix : il suffit de lui dire “Alexa, découvre mes accessoires” pour que ceux-ci soient automatiquement ajoutés !
HomePod, le hub vocal et domotique d’Apple
Apple a déjà mis un pied dans la maison connectée depuis quelques temps avec son protocole HomeKit. Au début très restrictif envers les fabricants qui désiraient l’implanter dans leurs accessoires, Apple a ouvert les vannes depuis peu pour accélérer l’adoption.
Avec l’arrivée du HomePod dans quelques mois, la solution sera identique à celle d’Amazon Echo Plus : un assistant vocal doublé d’un hub domotique auquel sont connectés directement des accessoires de fabricants tiers (HomePod : l’enceinte intelligente dédiée à Siri).
Apple a fait le choix du protocole Bluetooth. On trouve déjà de nombreux accessoires compatibles HomeKit chez tout un tas de fabricants tiers. Un iPad ou une Apple TV font déjà office de hub HomeKit, mais c’est la commande vocale de l’Apple HomePod qui sera décisive.
Google et la domotique
Google a déjà son assistant vocal, Google Home, mais pas de hub intégré dans celui-ci. On sait déjà que la gamme vocale de Google est amenée à se compléter avec un mini Home (Google préparerait un Google Home mini), une autre version maxi plus HiFi (Google travaille sur une version « Max » de son Google Home) et enfin un modèle avec écran (Google prépare son offensive contre l’Amazon Echo Show). Peut-être cela sera-t-il l’occasion pour Google de sauter le pas vers la domotique comme ses concurrents ?
Surtout que Google n’est pas novice dans le domaine. Nest, qui appartient au même groupe que Google, propose toute une gamme d’accessoires connectés avec caméras, détecteur de fumée, thermostat, et plus récemment un système d’alarme. Ces produits reposent sur un protocole domotique propriétaire dénommé Thread qui pourrait potentiellement être intégré aux assistants vocaux Google (Nest Announces Open Source Implementation of Thread).
En attendant, Android TV, le système d’exploitation multimédia de Google, vient de gagner deux mises à jour majeure : l’intégration du moteur vocal Google Assistant et la compatibilité avec SmartThings, la solution domotique de Samsung (Turn NVIDIA SHIELD TV into the brain of your smart home with a SmartThings Link).
Il est certain que Google est largement impliqué dans le marché de la maison connectée actuel et à venir. On peut néanmoins se poser la question de la cohérence entre la gamme Nest et ce partenariat avec Samsung.
Le dernier des GAFA, Facebook, serait même en train de travailler sur son propre assistant vocal (Facebook est en train de fabriquer son propre assistant vocal comme Siri). Avec ou sans domotique ? On connaît au moins l’intérêt de Mark Zuckerberg pour le domaine avec sa propre maison connectée réalisée l’an dernier (Mark Zuckerberg crée son propre Jarvis).
Le tiercé de la domotique grand public : Amazon, Apple, Google
Pas de Legrand, de Netatmo, de Schneider ou de Somfy dans ce tiercé. Même si ces sociétés, et bien d’autres à leurs côtés, construisent chacune un pan du marché de la domotique, aucune ne s’y est imposé.
Quand elles fabriquent des produits finaux nécessaires, les géants du web et de la high-tech conçoivent les interfaces naturelles qui viennent révolutionner et coiffer ce marché.
Elles vont révolutionner la domotique en termes d’usages inédits jusqu’ici :
- contrôle vocal
- scénarios de vie sans apprentissage ni programmation complexe
- installation des équipements sans aucune app ni logiciel
Ces interfaces sont le lien quotidien de l’utilisateur avec les accessoires des marques tierces. Des accessoires que l’on n’aura plus besoin de voir ni de manipuler.
Faut-il concurrencer ou copier les GAFA, ou bien devenir leurs fournisseurs d’accessoires ? Au risque de voir disparaître leurs marques derrière celle de l’interface vocale, les fabricants d’accessoires domotique auront-ils vraiment le choix ?
Aux Etats-Unis, presque la moitié des millennials, ou génération Y, utilise quotidiennement la commande vocale sur leur smartphone ou un autre appareil. Ce sont les clients d’aujourd’hui et de demain de la maison connectée.
Bonjour,
Point de vue intéressant mais que je ne partage pas du tout. Selon vous la solution serait donc de confier toutes les fonctions de sa maison à de grands groupes américains ?
Autant je peux le concevoir pour des objets connectés ou pour de l’éclairage d’ambiance par exemple. Autant pour des services aussi critiques que : la gestion de ses volets roulants, de sa porte d’entrée, du chauffage ou de sa sécurité, cela me semble une totale ineptie. Selon moi ces fonctions essentielles de la maison ne peuvent pas être dépendantes du cloud ou de la sécurité de serveurs externes…
Je ne dénigre pas ses assistants, j’utilise à titre perso Siri et Alexa, et je pense qu’ils s’avèrent très utiles et même qu’ils révolutionnent quelque part l’interface homme-machine mais ils restent qu’une interface supplémentaire à des systèmes plus fiables, plus robustes et non dépendants au bon vouloir d’entreprises extérieures.
La domotique ne se démocratisera que lorsque celle-ci apportera une vraie plus-value quantifiable à l’utilisateur (économie d’énergie, gestion des thermostats…) et non uniquement une télécommande géante pour geek passionné.
Bonjour Thomas,
Je ne pense pas que confier les fonctions de sa maison à un grand groupe américain est LA solution. Néanmoins, c’est une solution, et elle semble séduire le grand public. Le même qui ne se pose pas la question de partager toutes ses données personnelles avec Facebook & compagnie. Je comprends la crainte légitime, mais je ne crois pas que ce soit un frein.
Au contraire, le gain d’usage par rapport à ce qui existe jusqu’à aujourd’hui fait oublier ce côté big brother. Et puis c’est joli, c’est ludique. Ce que n’ont jamais réussi à vendre les acteurs de la domotique jusqu’ici. A part peut-être Philips Hue et la possibilité de jouer avec la luminosité et la couleur de son éclairage depuis son smartphone ou une télécommande.
De toute façon, il n’existe pas de solution domotique grand public fonctionnant en local, sans besoin du cloud. Sinon, ce sont des produits pour le DIY, les geeks ou les installateurs (dont on dépend ensuite totalement pour la maintenance).
Et puis le grand public n’a que faire des capteurs, actionneurs et autres prises. Les clés de la domotique, ce sont les économies d’énergie, la sécurité et le confort. Et le retour sur investissement de tout cela, qu’il soit en termes financiers et/ou en termes d’épanouissement personnel.
Une fois le choix effectué, pour une adoption réelle sur le long terme, ce sont justement les interactions avec le système qui feront qu’il sera accepté et utilisé. Ou pas ! Et là, on en revient à l’interface, de contrôle/de retour d’informations/de paramétrage, qui doit être la plus naturelle possible. Alors oui, le contrôle vocal est une interface parmi d’autres, mais elle semble répondre à la problématique.
Logiquement, le but ultime, ce serait même que la maison fonctionne de façon autonome, en anticipant tous les besoins et les actions, sans qu’on n’ait jamais besoin d’interagir avec elle. Là, on pourrait réellement parler de maison intelligente !